Bad Juice, c’est deux frères amoureux du rock US et surtout un duo musical originaire de la région de Strasbourg qui a sorti son nouveau disque : Stack-o-Lee le 29 novembre dernier. Pour la première interview de son histoire, Concerts de l’Est n’est pas allé à la rencontre de David et Thomas, alias Bad Juice.
Bad Juice, c’est une histoire de musique mais aussi, voir surtout, une histoire de famille puisque vous êtes frères. Pas trop difficile de mêler la famille et l’éventuelle pression des concerts, des enregistrements ? D’ailleurs, comment est né Bad Juice ?
David: En réalité ce n’est pas très difficile. On se connait bien et ça aide pas mal tant pour les enregistrements que pour les tournées. Ça n’a pas toujours été le cas mais je crois qu’on est globalement satisfaits de notre façon de fonctionner. Quant à la naissance de Bad Juice, c’est venu plutôt naturellement. On a toujours joué ensemble et à un moment donné les circonstances, nos envies musicales et l’expérience nous ont incité à tenter le coup en duo. Et ça marche pas trop mal comme ça.
Thomas: Non, on fait ça depuis tellement longtemps qu’on sait appréhender telle ou telle situation. Une bonne engueulade de temps en temps et ça repart. Après, c’est vrai que c’est pas toujours évident.
Vous venez de sortir il y a quelques petits mois votre premier album, Stack-O-Lee (and Ten Other American Tales), qui sonne comme une déclaration d’amour au rock’n’roll de l’Oncle Sam. Vous nous en parlez un peu ?
Thomas : Depuis notre enfance, on baigne dans la culture américaine : la musique, le cinéma, les comics… C’est une culture populaire qui ne se veut pas élitiste. C’est vrai qu’avec le temps, on a exploré le Rock’n’Roll, de ses origines qui vont du blues du Mississipi au musiques folkloriques européennes en particulier irlandaises, jusqu’au punk New Yorkais de la fin des années 70, au post punk du Jon Spencer Blues Explosion… Peut être que notre album retrace ce chemin.
David : En réalité c’est notre deuxième album. On en a sorti un il y a trois ans qui s’appelle Ding-A-Dong et qu’on aime vachement. Pour Stack-O-Lee, c’est venu de l’écriture de chansons qui sonnaient tantôt comme un blues, tantôt comme un gospel, tantôt comme du rock garage… On a trouvé marrant de jouer ces différents styles qui sont effectivement des expressions d’un art musical populaire américain qu’on adore et qui a finalement pas mal de nuances.
Entre l’écriture, l’arrangement, l’enregistrement… ça représente combien de temps de travail un album comme Stack-O-Lee ?
David : Là pour le coup ça a mis un an et demi il me semble. On passe beaucoup de temps à écrire mais surtout à jeter des morceaux dont on arrive à rien faire, ce qui est souvent frustrant. Pour les arrangements, on a filé un peu le bébé à un duo de producteurs américains, Rocio et Matt Verta-Ray, qui ont mis le grain de sel jusque dans les dernières secondes avant les prises de studio. Ce qui est intéressant et stressant à la fois.
Thomas : On aime bien avoir des échéances. Donc souvent, fixer une date d’enregistrement nous donne un coup de pied aux fesses pour l’écriture. Pour cet album, nous avions décidé, à l’inverse des précédents disques, de confier la production artistique à Matt et Rocio Verta-Ray qui tiennent les rênes du NYHED Studio à New York. En outre, je dirais que le processus met une année…
A quoi ressemblent vos journées actuellement avec le confinement ? Vous n’avez pas prévu de concerts en live sur internet, mais vous proposez vos coups de cœurs musicaux quotidiennement, on en parle ?
Thomas : J’essaie d’avoir une certaine discipline quant au lever et au coucher, sinon je pense que ça peut vite devenir n’importe quoi! Ensuite je suis derrière mon fils pour qu’il daigne s’intéresser à ses devoirs et je joue pas mal de guitare évidemment!
David : Un peu monotones c’est vrai. Beaucoup de temps passé dans le bureau à bosser et faire des trucs. Je rattrape aussi mon retard de lecture… Pour les coups de cœur musicaux, comme on n’est pas du tout équipés pour faire des live de chez nous, on s’est dit que ce serait marrant de partager des vidéos de morceaux dont on considère qu’ils sont une source d’inspiration pour le groupe. Alors tous les jours à 18h, on met en ligne sur notre Facebook une chanson avec un petit mot d’explication. C’est un peu rigolo et dans ce moment un peu étrange c’est sympa de partager de la musique. Tout le monde le fait c’est vrai, mais nous on s’en sert pour communiquer avec les gens qui aiment nos chansons. Et ça peut être Gene Vincent comme les Pixies ce qui peut paraître un peu bizarre mais qui est en réalité assez logique quand tu écoutes nos disques et notamment Stack-O-Lee.
Vous vous souvenez de votre tout premier concert en tant que Bad Juice, vous nous racontez ?
Thomas : Notre premier concert a eu lieu à la centrale d’Ensisheim pour un concert organisé par l’association GENEPI. Une expérience vraiment particulière….
David : Pour nous c’était important de faire ça parce que les prisonniers sont des êtres humains comme tous les autres et ont besoin de culture et de divertissement. Certains ont tendance à penser que se retrouver en prison doit nécessairement priver de tout et on n’est pas d’accord avec ça. Alors quand on nous a proposé de faire ce premier concert on a sauté sur l’occasion. Bon il y a le fantasme « Johnny Cash » bien entendu mais c’est plus simple à imaginer qu’à faire. Et nous c’était notre tout premier concert donc ça nous a mis un bon stress.

En parlant de concerts, forcément, en ce moment, c’est un peu l’hécatombe pour la scène musicale. Vous appréhendez la reprise et la recherche des futurs concerts avec d’éventuelles nouvelles normes de sécurité qui pourraient voir le jour par exemple ? Vous avez un petit mot à glisser aux divers professionnels du spectacle qui pourraient nous lire ?
David : La reprise ne nous inquiète pas. Au contraire, on est drôlement pressés de refaire du boucan. C’est sûr que ce sera compliqué entre tous les reports qui vont s’ajouter aux concerts déjà prévus. Je n’ai pas trop d’opinion sur les normes de sécurité bien qu’à mon avis les choses vont reprendre progressivement. Pour les professionnels du spectacle… Bon courage à tous! J’ose espérer que le gouvernement ne laissera pas tout le monde dans la panade (je suis un doux rêveur). Cette situation pourrie ne durera pas éternellement et les choses reviendront à la normal rapidement. Ce ne sera surement pas simple mais on va s’en sortir! Après tout, contrairement à ce qui est dit on n’est pas en guerre: les salles subsistent, les acteurs du milieu aussi…
Thomas : Déjà je leur souhaite de faire attention à eux! Ensuite, il faut qu’ils gardent espoir car quand tout ça sera fini, les gens auront sûrement bien envie de sortir s’éclater. Quant aux nouvelles normes de sécurité, on verra. En ce qui nous concerne, on a dû annuler la tournée de promotion du disque. Ce n’est que partie remise!
S’il devait rester un seul album de musique au monde, ça serait… ?
Thomas : Question trop difficile! je passe! Allez Surfer Rosa des Pixies, et puis dans cinq minutes, je vais te dire Giant Steps de Coltrane et puis cinq minutes plus tard ce sera The Bends de Radiohead. C’est trop dur!
David : Pas cool cette question… The Complete Recordings de Robert Johnson? Comme ça on recommence tout?
Un GRAND MERCI à Bad Juice pour leur complicité. L’album Stack-o-Lee est déjà disponible sur vos plates-formes streaming favorites et en commande chez le label Little Sister.
Propos recueillis par Allan pour Concerts de l’Est